Une
première méthode pour avoir une idée simple de la société que nous
voulons, peut partir de notre positionnement vis-à-vis des valeurs
traditionnelles des grands courants politiques contemporains.
Or, nous nous sommes présentés comme étant des " écologistes politiques
indépendants ". Cela signifie le refus d'être enfermé dans le clivage
Droite/Gauche. Mais beaucoup ont confondu ce refus avec celui de
distinguer entre la Droite et la Gauche, et l'ont confondu aussi
avec le rejet de toutes les traditions politiques antérieures et
existantes. Or, c'est exactement l'inverse.
D'une part, nous avons toujours dit que, culturellement, la Droite
et la Gauche ont des valeurs prioritaires différentes ; d'autre
part, nous avons la volonté de nous inscrire dans ces traditions
qui, par leurs meilleurs côtés et à travers les combats qui ont
été menés, ont fait progresser les sociétés.
Mais nous acceptons cela avec les réserves suivantes :
- Tout d'abord, s'inscrire dans une tradition, ce n'est pas accepter
sans inventaire l'héritage de cette tradition. Ce n'est pas accepter
un certain nombre de clichés, de mots, de valeurs qui ont servi
de passe-partout. Il en est ainsi de l'obsession du changement que
Taguieff décrit dans un livre récent intitulé " Mouvementisme ",
il en est ainsi de la notion vieille d'un progrès unique et unilinéaire,
et de tous les mots adjacents : modernité par exemple.
- Ensuite, nous constatons qu' en fait, à l'heure actuelle, cet
essentiel des valeurs de Gauche, justice et protection des plus
faibles, est de plus en plus limité et réduit, par l'acceptation
des mécanismes économiques, de la soi-disant exigence de l'économie,
exigence que l'on a créée par un certain nombre de choix politiques
concernant l'ouverture du commerce aux marchés mondiaux et par des
traités qui institutionnalisent cette ouverture : Maastricht et
traités de l'OMC.
Et si nous mettons en cause la nécessité d'être enfermé dans un
clivage Droite/Gauche, c'est dans le clivage des clans de Droite
par rapport aux clans de Gauche, c'est parce qu'à l'heure actuelle,
leur acceptation des exigences de l'économie contemporaine aboutit
à ce que leur capacité à réaliser leurs valeurs est devenue de plus
en plus réduite, de plus en plus illusoire. C'est enfin parce que
nous pensons donc :
1- qu'il est possible, si l'on desserre l'étau de l'économie, de
réaliser beaucoup plus ces valeurs que ne le font les partis qui
se prétendent de Droite ou de Gauche.
2-
Et que, sans cet étau de l'économisme, les valeurs sont beaucoup
plus complémentaires entre elles, qu'opposées.
Car, le meilleur des traditions de Gauche tourne autour de la volonté
de justice et de protection des faibles contre les forts, des opprimés
contre les oppresseurs. Le meilleur des traditions de droite tourne
autour de la défense de la liberté, des libertés, de la libre initiative
et de la responsabilité individuelle, des traditions et des identités
culturelles, quelles soient nationales ou autres.
Mais, à cette double tradition, une nouvelle synthèse, non-économiste,
opposée à la misérable synthèse que représente la pensée et la politique
économiciste, devra inclure évidemment une nouvelle tradition, la
meilleure des traditions du pôle écologiste, celle qui tourne autour
de la valeur de " qualité ", de la qualité de la vie, de la qualité
de l'environnement, de la défense de la beauté, de la défense du
vivant.
Cette nouvelle synthèse permettra de ne pas oublier que dans le
monde qui nous entoure, les choses dont on peut profiter ne peuvent
pas être jugées uniquement à travers leur quantité, mais aussi à
travers leur qualité, et non seulement à travers leur qualité, mais
aussi à travers leur " disposition ", leur " ordre ", les unes par
rapport aux autres. C'est cette disposition, cet ordre qui crée
la beauté, qui crée le charme, qui crée l'ambiance d'un lieu, qui
crée une harmonie. Ce ne sont pas seulement les quantités. Les problèmes
d'Aménagement du Territoire en sont parmi d'autres, une illustration.
Cette synthèse permettra de voir que sans l'économisme, quelques
valeurs se trouvent naturellement à la convergence des valeurs de
ces différents courants. Il en est ainsi du respect de la diversité,
du respect à tous les niveaux de toutes les formes d'autonomie,
l'affirmation que la légitimité de tous les pouvoirs est celle qui
vient du plus bas, qui vient du citoyen, du principe de subsidiarité
selon lequel une communauté d'un rang inférieur ne doit laisser
comme compétence aux communautés de rang supérieur que ce qu'elle
ne peut absolument pas prendre en charge . Ainsi donc, le principe
est que, plutôt que de démocratiser des pouvoirs en les laissant
grossir, le mieux est d'agir sur les techniques et sur l'organisation
pour " pouvoir se passer de pouvoir ".
A l'heure actuelle, à l'opposé de cette synthèse nouvelle, nous
avons une synthèse inverse sous le signe de l'économisme ; mais
cette synthèse économiste entre la Droite et la Gauche ne garde
que peu de choses de ce qui faisait le meilleur de leur tradition
: elle ne laisse pas grand chose à la recherche de justice et d'égalité
(celles-ci ont recommencé à augmenter depuis 1981 où la Gauche a
repris le pouvoir). A cet idéal de justice, cette Gauche a préféré
lui substituer un idéal de changement et de modernité et relancer
le vieux mythe du Progrès. Au niveau international, elle ne garde
pas grand chose de la protection des peuples opprimés : Poutine
et le président Chinois sont reçus en grandes pompes, le Dalaï Lama
est écarté. A Droite, il y a longtemps que la primauté des préoccupations
de profit a réduit la recherche de la liberté à celle des plus riches
et des plus forts au détriment des plus petits, au détriment de
la liberté des petits paysans, de la liberté des petits industriels.
Il y a longtemps que leur liberté est devenue celle de la grande
distribution d'écraser celle des petits commerçants. Quant aux traditions
et aux identités, il y a encore plus longtemps qu'elles sont sacrifiées
aux exigences de la mondialisation économique.
Les écologistes politiques de cette synthèse économiciste (Les Verts,
Génération Ecologie, Cap 21, etc) se contentent de vendre ce qu'ils
ne peuvent donner : des droits aux immigrés, des projets de statuts,
des discussions sur les droits à polluer ; mais ils ont renoncé
à faire de leur présence au gouvernement un véritable enjeu pour
changer la société. La volonté de déconcentration est abandonnée,
Cohn Bendit fait l'apologie de la mondialisation et du Traité de
Maastricht, Corinne Lepage va à la Conférence d'Istanbul cautionner
les exaltations d'un monde peuplé à 60% d'habitants de villes dix
fois millionnaires.
Face à cette dégradation de l'ambition de réaliser des valeurs,
il apparaît clairement que le desserrement de l'étau de la mondialisation
et donc de l'économie est à la fois la condition et la chance de
notre vision du monde, à la charnière du passé et de l'avenir, et
la condition de cette triple ambition : démocratiser enfin la
beauté et la qualité des choses qui se sont dégradées au fur
et à mesure que la quantité accessible aux masses augmentait, démocratiser la liberté, et réaliser des formes diversifiées
de l'égalisation et de la justice, afin que celles-ci ne soient
plus le prétexte au développement de l'uniformité et de la laideur.
La
nouvelle synthèse non économiciste
Sélection
de valeurs
écologiques traditionnelles
Ecologie
Beauté
Qualité et vie |
Sélections des valeurs
de la Gauche traditionnelle :
Justice
Egalité
Protection des plus faibles
et des opprimés contre les
plus forts et les oppresseurs
Etat, protection sociale
Rapport Nord/Sud |
Valeurs
de la Droite
traditionnelle :
Liberté
Libre initiative
Responsabilité individuelle
Identité
Diversité et Indépendances |
Respect
de la diversité
Respect et développement des autonomies
Principe de la légitimité de ce qui vient du
plus bas
Principe de subsidiarité
"Pouvoir de se passer du pouvoir"
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