"Omnis
festinatio a diaboli est" (" toute hâte vient du diable " !) St Thomas
d'Aquin.
Chers
amis,
La
France est belle. Cette France que nous aimons profondément, s'est
pourtant dégradée et continue chaque jour de se dégrader un peu
plus.
Il
fut un temps, le temps des "trente Glorieuses", où l'on nous expliquait
que si notre pays se dégradait, c'était la contrepartie de la prospérité
forte, de l'absence de chômage et de la réduction des inégalités.
Malgré les soupçons ui pesaient sur cette affirmation, l'argument
était lourd. Beaucoup d'écologistes tombèrent dans le panneau.
Puis
le voile est tombé, et il est apparu que cette dégradation allait
de pair avec la multiplication du chômage, avec la division par
trois de la croissance de la production, avec la division par deux
de la croissance de la productivité, avec l'accroissement des inégalités
et l'augmentation de la violence...
Il
n'y avait donc plus aucune raison de ne pas mettre en cause radicalement
un ensemble d'évolutions qui nous menaient à des impasses.
A
l'origine de la CEI ...
La
rupture au sein du mouvement écologiste, qui marque aussi la création
de la Confédération des Ecologistes Indépendants, s'explique par
une divergence de fond quant à l'analyse de l'origine des problèmes
actuels.
Si
l'ensemble des écologistes partagent des valeurs comme le respect
de la nature, notre mère nouricière, ces valeurs ne suffisent pas
pour constituer un parti politique. En outre, ces valeurs loin d'être
l'apanage exclusif des écologistes, sont partagées par la majorité
des français.
Certains
écologistes considèrent qu'à l'origine des dégradations se trouvent
les mauvais comportements de l'Homme. A la CEI, nous avons toujours
considéré au contraire, que les citoyens étaient pris dans un contexte
où ils n'avaient pas le choix de se comporter écologiquement. Cela
explique bien des différences de conception sur les méthodes et
les remèdes à employer pour résoudre les problèmes.
Certains
écologistes développent un discours incantatoire pour défendre l'écologie.
Ils tentent de mettre en place des systèmes pour compenser les dégradations
de l'environnement mais acceptent dans le même temps, le modèle
actuel de développement économique basé sur le marché de libre-échange,
basé sur l'ouverture totale des marchés nationaux, où toute régulation
étatique se heurte aux menaces de délocalisation et de perte d'emploi.
Ils
acceptent ce modèle qui rend pourtant impossible d'imposer aux entreprises
toute nouvelle contrainte de coût, même justifiée par les besoins
de protection de l'environnement ou de protection sociale, compte
tenu du risque de perte de compétitivité des entreprises opérant
dans une économie complètement ouverte et de la menace induite de
licenciement économique pour cause de perte de marché.
Ces
écologistes acceptent la mondialisation économique, et la surconcentration
urbaine, qui sont les véritables origines des déséquilibres de notre
société et de la dégradation de notre terre.
Pourquoi
ce manifeste?
Ce
manifeste ne se veut pas le programme d'une organisation d'écologie
politique parmi d'autres, mais veut être une explication et la proposition
d'un certain rassemblement.Les efforts à fournir pour réussir à
inverser les tendances à l'origine des problèmes actuels sont tels
que nous devons rassembler le plus largement possible, indépendamment
des appartenances politiques.Le manifeste répond donc à un double
objectif :
-
montrer à de nombreux écologistes que l'écologie ne pourra gagner
:
> sans
aller au delà de l'écologie,
> sans se donner les moyens de retrouver une marge de manoeuvre
vis à vis des forces qui nous enferment en particulier vis à vis
de la mondialisation,
> et donc, sans participer à un grand rassemblement de toutes
les forces destinées à inverser les évolutions, qu'elles soient
écologiques ou non.
-
montrer à tous les membres de ce futur rassemblement que l'écologie
politique peut apporter une contribution décisive à leur réflexion.
C'est
donc la volonté simultanée, d'un côté de sortir du milieu écologiste,
et de l'autre de mettre en cause les clivages politiciens actuels
droite-gauche.
A
travers ce texte, nous souhaitons rassembler toutes celles et tous
ceux qui :
-
souhaitent proposer une alternative crédible à la Pensée Unique
et qui pourront se retrouver autour des priorités de l'Autre politique,
-
sont les victimes des déséquilibres actuels de notre société,
- considèrent
que le vrai clivage n'est plus entre la Gauche et la Droite mais
qu'il est entre la politique de la Pensée Unique et l'Autre Politique,
et entre l'acceptation ou le refus des évolutions actuelles dangereuses
telles que :
> l'accroissement
de la dimension des marchés jusqu'à la mondialisation,
> le processus de concentration spatiale des activités, des hommes
et des équipements qui conduit au déséquilibre urbain / rural,
> l'accroissement de la mobilité géographique obligatoire, qui induit
déracinement et déculturation,
> la montée du niveau moyen des décisions, c'est à dire l'augmentation
de l'éloignement entre gouvernants et gouvernés,
> le développement du gigantisme dans tous les domaines (villes,
hopitaux, lycées...) qui se traduit par le développement de relations
purement anonymes et fonctionnelles.
> la dépersonnalisation croissante des relations et des actes économiques,
qui induit une déresponsabilisation accrue des acteurs économiques.
Parmi
les priorités de l'Autre politique décrites dans le manifeste, j'insisterais
ici sur 3 axes qui me semblent être incontournables et d'égale importance
:
1)
Démondialiser :
La
priorité des priorités est de retrouver des marges de manoeuvre
politiques face au poids de l'économique en général et de la mondialisation
économique en particulier.
La
mondialisation rend en effet impossible toute politique écologique.
Elle remet en cause la primauté de l'homme au profit d'une économie
non régulée. Elle rend impossible toute politique en faveur de l'emploi
et de la justice.
La
question qui se pose donc à toutes celles et ceux qui ont pris conscience
de cette réalité, est de savoir comment sortir du carcan.
Comment
desserrer l'étau des forces économiques mondiales sur notre société
?
Cela
passe par nécessairement par une politique d'inversion de toutes
les tendances qui ont abouti à la mondialisation des économies,
de manière à repasser le "seuil de mondialisation" au delà duquel
une économie est davantage dépendante de l'extérieur que de l'intérieur.
Seule
une "Autre politique" peut conduire à une inversion des tendances.
Mais
vouloir cette "Autre politique" aujourd'hui, c'est s'inscrire résolument
contre les tenants de la "Pensée Unique", contre le libre-échangisme,
contre la dérégulation économique débridée, contre la mondialisation
économique, pour une nouvelle synthèse politique.
Certes,
il y a longtemps que les écologistes de la CEI ont refusé, au nom
de la liberté, l'économie planifiée et centralisée, pour choisir
une forme d'économie décentralisée, que l'on appelle de façon générale,
l'économie de marché, basée sur la propriété, sur la liberté,
où les échanges sont basés sur des prix fixés librement...
Mais,
les écologistes de la CEI refusent de se voir imposer un modèle
unique de développement, en l'occurrence le modèle actuel de marché
libre-échangiste et mondialiste, alors même que bien d'autres formes
de marchés existent, depuis le marché local, jusqu'au marché national,
avec à chaque niveau des outils de régulation adaptés.
Vouloir
l'"Autre politique", c'est être capable de dépasser les clivages
partisans actuels pour constituer un rassemblement suffisant pour
faire poids face à la Pensée Unique.
Vouloir
l'"Autre politique", c'est s'engager à passer outre les traités
mondialisateurs de l'Acte unique, de Maastricht et d'Amsterdam.
C'est militer en faveur de leur révision. C'est aussi défendre l'idée
d'une Europe Confédérale respectueuse de la souveraineté des nations...
Vouloir
l'"Autre politique", c'est se donner les moyens de répondre effectivement
aux préoccupations essentielles des français, en particulier en
matière de lutte contre le chômage. C'est ne pas tomber dans le
discours incantatoire pavé d'intentions bonnes mais irréalisables
sans une mise en cause du dogme de l'accroissement infini de la
demande extérieure.
Concrètement
et à court terme, vouloir réaliser une Autre politique, doit
s'articuler autour d'un trépied :
a)
réaliser une synthèse du meilleur des politiques de gauche et de
droite, en conduisant simultanément :
>
une politique de la demande, c'est à dire de maintien du pouvoir
d'achat, d'une protection sociale élevée et de services publics
de qualité, ... autant de dépenses qui contribuent à stabiliser
une économie fonctionnant en circuit ;
> et une politique de l'offre, qui passe par une baisse des charges
sociales pesant sur les entreprises, par la baisse des taux d'intérêt,
et d'une façon générale par tout ce qui favorise la libre initiative...
b)
rétablir, dans les économies nationales, la prééminence des circuits
nationaux, c'est à dire la prééminence des marchés intérieurs sur
les marchés extérieurs.
c)
rétablir une régulation des marchés permettant d'accroître l'autonomie
de des nations en général : contrôle des changes, contrôle aux douanes,
taxe au km ajouté...
Cette
autre politique doit aussi préparer l'avenir en réalisant
des investissements massifs qui, à la fois favorisent l'emploi à
court et moyen terme, et qui rendent possibles et attractifs les
comportements écologiques selon l'esprit de l'"écologie de liberté".
Ces investissements ne peuvent cependant être financés que dans
la cas d'une économie fonctionnant en circuit.
2)
Pour un rééquilibrage entre les villes et le monde rural :
Le
deuxième axe fondamental est d'engager un processus continu de déconcentration
des agglomérations les plus denses vers les habitats les moins denses.
Cela
implique une autre politique des transports et d'équipements ruraux,
une autre gestion des ressources naturelles, une autre vision de
la ville...
3)
Pour une écologie de liberté :
Le
troisième axe consiste à vouloir une société plus respectueuse de
l'écologie non pas par l'interdiction comme l'imaginent certains
écologistes, mais au contraire par le développement d'une offre
de produits et de services, qui rende possibles et attractifs les
comportements écologiques.
Ainsi,
au lieu d'interdire les automobiles dans les villes, organisons
plutôt des quartiers autonomes qui rendent possibles le fait de
se passer de moyens de transports. De même, développons les médecines
douces et préventives qui permettront un jour de réduire les besoins
en médecine curative beaucoup plus coûteux...
Ainsi,
face au mirage d'une écologie qui s'impose d'en haut et de manière
uniforme, les écologistes de la CEI croient au contraire à l'écologie
de liberté qui repose sur quelques points :
-
l'application du principe de subsidiarité, en rapprochant les décideurs
et les destinataires des décisions.
Seul
ce rapprochement peut permettre à la fois de prendre les décisions
les plus pertinentes et de faire en sorte que les décisions soient
effectivement respectées grâce à la responsabilisation accrue qu'il
permet.
-
la défense des diversités et des identités.
C'est
en apprenant à respecter les différences nées de la diversité, nées
de la coexistence d'identités et de particularités incomparables
parce qu'uniques, c'est en apprenant que c'est de leur unicité,
de leur caractère incomparable que les individus et les cultures
tirent leur valeur, c'est en comprenant cela que l'on préserve la
paix. Ce n'est pas en réduisant les différences et la diversité
sous prétexte qu'elle est source de conflit ! Ce n'est pas en comparant
les incomparables comme le sont les identités !
-
le développement de l'autonomie économique, de la libre initiative,
de la responsabilité, la réduction du salariat, la lutte contre
les monopoles.
- la
suppression de la juridiction administrative, le développement des
contre-pouvoir.
Conclusion
:
Le
principe de puissance qui définit actuellement les politiques économiques
des pays développés n'est pas généralisable à l'ensemble du monde.
Tous les pays ne peuvent en même temps être leader ou augmenter
leur part de marché !
Par
contre, tous les pays peuvent en même temps devenir plus autosuffisants.
Donc à l'inverse de l'ordre économique mondial basé sur le développement
des interdépendances et de la compétition, le principe d'autonomie
appliqué aux économies nationales est le seul universalisable.
L'ordre
mondial ne doit plus reposer sur la domination économique par quelques
pays ou quelques multinationales...
Un
nouvel ordre mondial, basé sur une nouvelle organisation mondiale
chargée de favoriser les autonomies, doit prendre corps et donner
une place à chaque peuple.
A nous de construire tout cela à travers le rassemblement auquel
ce manifeste invite.
François
DEGANS Président de la CEI
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